Quand la thérapie du couple devient un trouple…

Dialogue intérieur d’un thérapeute en cours de séance.

Accueillir un  couple n’est pas toujours facile pour un thérapeute !!! Comment faire avec l’un et avec l’autre… Comment rejoindre chacun dans ses problématiques sans pour autant donner l’impression que l’on est plus proche de l’un que de l’autre… Tout en gardant à l’esprit que mon patient c’est le couple qui, pour l’instant, a l’air si peu en forme dans cette première séance, que je ne le perçois pas …

– « Mais si, il faut que je le fasse exister même s’il ne me fait aucun signe ». « Ca y est ! Je le vois, je le sens ! Il est là . Je vais le saisir… » Non il est reparti. Mais a-t-il un jour existé ? « Voilà une bonne question car je ne vais pas leur  faire croire qu’il existe alors qu’il  n’a jamais été une réalité…

– « Ah, elle a l’air contente que j’évoque leur couple mais lui semble complètement effaré : « Quelle est cet OVNI qui débarque ? Elles ont l’air d’y croire, ma partenaire et même la thérapeute. Moi pas du tout je suis seul, j’ai toujours été seul dans ma vie je ne suis pas venu ici pour que l’on m’explique que ce que je crois n’est pas la vérité. C’est ma réalité donc c’est la réalité!

– « Quelle bataille !!, se dit la thérapeute, vais-je pouvoir les amener à revenir en séance au moins une fois pour que l’on puisse avancer sur ce que je continue à chercher désespérément … »

– « Ca y est là ils font couple, ils parlent en nous. Ils se regardent. Ils se retrouvent  et je n’existe plus à leurs yeux. Tant mieux ! Je vais pouvoir m’appuyer sur cette séquence pour continuer mon travail. Maintenant, j’essaie d’apparaître, de les rejoindre de leur proposer de continuer à co-construire, coopérer, collaborer co-co co… »  

Ils sont revenus. Le travail commence. « Ils sont reconnaissants, ils aimeraient que je leur dise ce qu’il faut faire, comment le faire, quoi faire… Je pourrais croire que je suis indispensable,   qu’ils ont besoin de moi, de ce tiers si pertinent, audacieux. Et justement, ce qui va m’habiter en permanence c’est de ne pas rester  avec eux plus longtemps que nécessaire !

Leur couple en arrivant était sur un strapontin. Maintenant qu’ils ont décidé d’œuvrer pour lui redonner une place importante et centrale, c’est moi qui doit me retrouver sur un strapontin très rapidement au risque de faire trouple avec ce couple qui n’a besoin de moi que le temps de se retrouver… ou de se séparer.

– « Comment ça faire trouple ? »

– « Qu’êtes vous entrain d’insinuer ? Je ne serais que ce que l’on nomme techniquement un tiers, comme un tiers sexuel, un tiers travail, un tiers famille, un tiers alcool un tiers-je-ne-sais-quoi !!! »

Mais oui,  la posture du thérapeute du couple est de développer les interactions entre les partenaires et, à partir de là, de faire de la circularité, de les amener à construire un projet, quel qu’il soit, y compris celui de la séparation… le couple reprenant  son autonomie, sa responsabilité, son aller vers … je m’éclipse !

Quand le couple apparaît, retrouve une dynamique, des projets… le thérapeute ne séjourne pas avec lui, il vérifie la légitimité du système, la validité de sa dynamique et  s’exclue avec….élégance.

N’instituons pas un tiers thérapeutique plus longtemps que nécessaire  dans la dynamique du couple, laissons-les s’engager, s’expérimenter, prendre leur envol et vérifier leurs compétences …

Fin de la thérapie, le système/couple a trouvé une nouvelle forme, laissons-le se déployer dans la vie !